Il y’a de ces motivations qui trouvent leurs raisons inexpliquées. Comme se réveiller un matin, trouver son lit répulsif, prendre une douche froide et se regarder sur le miroir. Simuler une ambiguïté soit pour se morfondre dans la mélancolie ou simplement se sentir fort. Invincible serait plus juste. Et ce matin, je me sens invincible.
Je mets un costume de taille plus
petite, histoire de respecter les codes de l’élégance. La cassure des épaulettes
pile sur les articulations, les revers assez larges pour combler l’absence de
muscle, et un pantalon de courte taille qui décidément en voudra à mes
désert-boots. Ce matin encore la route sablonneuse de Yoff et les impétuosités
de chaque recoin. De manière assez subtile, se manifeste une cassure de la
routine, quelque chose de neuf qui après chaque pas provoque en moi une joie
inexplicable. Peut être que cette cravate bien choisie cohabitant avec mon
mouchoir de poche du même ton a su provoquer une certaine légitimité. Me
poussant à sourire, à marcher bien droit mais surtout à sourire. C’est sous ces
airs de manager que je surprends quelques regards admiratifs, puis mon excès de
zèle pour détourner l’attention sur la gêne occasionnée.
Me voici sans surprise dans la
« Ligne 1 ». Ce matin afin de m’éloigner de la mouvance de la masse,
je décide de me faire une playlist assez particulière. D’abord Jessie Ware pour
me dire je t’aime, « Ebale ya Zaïre » du Poète et enfin un peu comme
pour dire à Simaro que le bon goût a des adeptes un peu partout, Ablaye
Thiossane me berce avec « Thiéré lamboul ». Par chance je ne tomberai
pas sur la revue de presse. Les adeptes de propagandes ne sont généralement pas
d’humeur matinale.
Quelques minutes suffiront pour
m’apercevoir que le rythme lent de ma playlist prend le dessus sur mon euphorie
du matin. A l’horizon se dessine sans surprise l’habituelle mélancolie. Comme
le suggère Felwine, j’accepte la souffrance comme une réalité instructive et
consubstantielle à la vie. Tel un coucher de soleil. J’arrive à me trouver une
place priant que ma nouvelle résolution ne soit pas élusive. Je tiendrai un
moment avant d’être hélé par dame vicissitude. Au fil du trajet, j’apprécie la
nature et les immeubles, je rebute l’insolence des chauffeurs et les
fanfreluches de certaines femmes. Au loin, un panneau publicitaire, peut être
par envie j’essaie de trouver la petite bête sur la tenue du figurant. Rien à
signaler tout est bien coupé. Ma main qui glisse dans le sac, naturellement
sort « DAHIJ », mon meilleur ami. A ce moment précis, la résolution
est simple : allez à la page 107 et lire ce qui suit :
« Eviter la
vanité. Tuer la part de comédie en soi. Se voir tel que l’on est, sans
complaisance, sans affectation, sans autoflagellation. A partir de là, employer
chaque instant à s’élever.
Etre de bonne
compagnie, faire partie de ceux qui diffusent autour d’eux, dans l’atmosphère,
joie et paix.
Ceux dont la présence
gratifie le Temps.
Savoir accepter le
malentendu sur soi.
Ne jamais rien
quémander. Ni amour, ni tendresse, ni compréhension. Etre libre de l’approbation
d’autrui. Ne jamais céder à aucune pression, si douce soit elle. Etre libre de
la désapprobation d’autrui.
Ne pas se presser. Se
la couler dans le Temps, se fondre en lui. Aller au fond des choses. Œuvrer et
grandir avec le Temps. Ni flagornerie, ni flatterie, ni faux-semblants, ni
concession. Ne pas rendre compte. Ne pas se confier. Protéger cette flamme qui
grandit dans l’ombre. La ravir aux regards indiscrets. Se cacher. La pierre
s’abrite dans la mine pour devenir diamant. Remporter chaque jour une victoire,
si petite soit-elle. Tuer Narcisse. Tuer Polichinelle. Tuer Ubu.
Dieu est une idée qui
élève. »
@diinedk