Réveil matinal, un peu de
lourdeur dans les jambes. Après quelques essaies, d’expirations répulsives et
pathétiques, la vingtième pompe est enfin atteinte. Moment de solitude et de
détachement. L’esprit dicte, les sens subissent et poussent les pores à libérer
l’immense gratitude de l’effort. Comme
chaque matin l’engagement noie la douleur qui bâtit une perfection inexistante.
Ainsi chaque matin, est choisie
la chemise proportionnée, le pantalon aux quatre poches, les chaussettes, les
bottes. Ces dernières sont délicatement dépoussiérées. Comme toujours avec la
même attention, comme toujours en fredonnant.
Une seconde dans la peau de Jacques,
mais seulement le dos fait face à la porte et il n’y a ni Rose, ni vent, ni
bateau. Un chemin ensablé, des pas appuyés un peu comme pour sauter des
obstacles, des obstacles qui se poseront jusqu’à l’arrêt de la « ligne
1 ».
Dans le bus, une vieille dame
vendeuse de beignets protège religieusement son panier. Ignorant réprimandes et
regards inquisiteurs, elle est en face de moi. Ce moi avait aujourd’hui cette
compassion du commun des passagers. Celle qui voulait que l’on sorte ses pièces
avant de s’enorgueillir de sa vertu du jour. Supporter la difficulté de cette
femme à surmonter les marches du bus, son visage balafré, ses mains veineuses
et tremblantes me suffirent à sacrifier l’une des dernières pièces de ma poche.
Suivait alors un regard surpris, un sourire volé et des prières témoignant
d’une gratitude spontanée.
Je descends un peu plus tôt car
brûle en moi l’immense envie de subir à la tentation. Ce matin je ne franchirai
pas le portail de l’école. La place du souvenir ne me laisse pas le choix. Je
descends les marches petit à petit, indifférent devant les affiches du Dak’art.
S’en suit une heure de fausse méditation. Tantôt coupable, tantôt victime.
L’interminable guerre entre l’esprit, l’être et la raison.
Soudain derrière d’ennuyantes
lamentations, ces cris expressément ignorés bénéficient de mon attention. Une
école venue visiter une exposition. On est bien loin de l’ambiance morose des
jours ordinaires. Cette insouciance juvénile provoque les réprimandes de cet
adulte qui n’a pas su être un éternel enfant. Faudrait qu’il lise le petit
prince.
Je succombe encore à la
tentation. Celle qui m’invite à rejoindre les enfants. Sans surprise je me
retrouve dans la salle, délicatement éclairé. L’écho des cris me laisse
perplexe. Je fais semblant de m’y connaître les toiles se ressemblent et se
succèdent. Je ne parviens pas à lire entre les lignes. Il est visible que seul l'esthétique est prise en compte. Je
comprendrai plus tard que c’est une exposition de l’ICCM. Une
école de mode. Pendant ce temps les enfants se sont volatilisés.
En remontant les marches de la
porte du souvenir, une autre affiche m’invite à nouveau. Le projet a l’air
beaucoup plus ambitieux, un collectif de 14 artistes africains.
« Abstractions légitimes »
Je retrouve des tableaux aboutis, ma prétention me pousse à avoir un œil critique. Mais seulement je ne vois toujours rien. Seulement le recours à la facilité pour certains artistes. Heureusement pas tous. Bon sang qu’est ce qu’il faisait chaud dans cette salle ! Du vide, de la chaleur. Je constate avec amertume ce que l’art me réservait.
Les marches en fredonnant. J’aurai du aller aux cours.
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