Ce samedi 24 Mai a été l’occasion
pour la styliste Selly Raby KANE de nous présenter sa nouvelle collection dans
les locaux de la gare ferroviaire de Dakar qui fêtait ses 100 ans. L’idée était
de découvrir la transformation du vêtement dans une cité africaine envahie d’aliens, d’êtres
étranges et fantastiques issus du futur. L’initiatrice est cette liane
juvénile qui dans le royaume du conformisme façonne le bazin, commande des
lunettes plus grandes et supporte les fanfreluches flirtant aux frontières du
ridicule pour les plus réticents. Mais ceci n’est qu’une première impression.
Pour hier soir, il suffisait de prendre place, d’ignorer les commentaires
(toujours de ces mêmes réticents) et d’apprécier l’invasion. Car oui il
s’agissait bien d’invasion.
Une performance artistique :
Le spectacle qui continue :
Derrière les murs, on se heurte à
l’allure rustique de la gare qui donne de la crédibilité au concept. Les places
vides à un moment, auront tendance à nous faire croire que « Madame
Nature » s'est très mal débrouillée dans la répartition du bon goût. Mais
les arrivées tardives et la « ponctualité sénégalaise » nous
rappellerons qu’il y’a bel et bien des adeptes d’aliens et… de cartoons. Au
dessus de l’habitacle des models, se déhanchent des hommes et femmes en
fourrure sortis tout droit d’un asile. Hormis les habituels jeux de lumière, on
retrouve sur le plan visuel une ambiance sombre, lourde, déstructurée mais tout
de même conceptuelle.
Vient alors cette fameuse
transition que l'on pourrait décrire comme un rappel de la présence des aliens en Afrique. Un beat de dupstep
saupoudré de la cadence des rythmes du tambour. L'intensité de la bande sonore
explose littéralement et donne lieu à une prestation instrumentale des plus
hypnotisantes et chaotiques, complètement distordue. Un peu comme une crise
d'hystérie fantomatique que subirait un micro dysfonctionnel.
Selly profite de cet instant pour
nous rappeler qu’après l’invasion, le bazin sera troué, détouré, collé ou
mélangé à du plastique. Le cuir sera boursouflé et les vêtements seront
légèrement de plus grande taille. Le wax n’est plus vulgairement coupé pour
rappeler une africanité inexistante. Ici il est traité comme un simple coupon ;
mais façonné avec de la cire de coton imprimé, un col et une poche plaquée en jean.
Les doublures d'impression des pièces ont l’air douces et confortables. Après
l’invasion, le conventionnel aura l’air d’être de la provocation. Car par
accident, sont apparus quelques modèles qui ont brillé par leur simplicité. Un
petit temps de répit avant que l’assaut ne reprenne avec des robes
fluorescentes, des spirales en soie, des « lunettes » assorties aux
chaussures pour les femmes et de ces combinaisons tout droit sorties de la NAZA
pour les hommes.
Pourrais-je porter du SRK ?
Sans se leurrer, les pièces sont
fortes et ne sont pas à la portée de tous. Mais il suffit d’avoir les yeux
écarquillés, de voire derrière cette allure longiligne et gracieuse une femme
talentueuse. Capable de sortir des préjugés en parvenant à rendre crédible un
cardigan en wax, ou du bazin sous de la toile. Il suffit d’avoir l’œil pour
s’imaginer dans une pièce bien précise accompagnée de basiques neutres. Là vous
verrez que rentrer dans du SERAKA ne demande qu’une forte personnalité.
Pour conclure…
Le défilé fut un moment
absolument captivant, qui a suivi la cohérence psychédélique que l'on pourrait
tracer du parvis de la gare jusqu’au podium. Les onomatopées de la bande sonore
furent troublantes et apparurent telles des incantations venant ponctuer et
structurer l'intensité du résultat artistique. Mais ma plus grande satisfaction
vient du public. Etant à l’écart pour la plus grande partie de la soirée, je me
suis permis d’observer ces invités très dynamiques. Le plus plaisant reste
l’inexistence des préjugés que j’avais de l’univers de la mode. Ici pas de
prétention, ni de chichis. Il y’a un public et un artiste ; du respect
d’un côté et de la gratitude de l’autre. Les dreadlocks font face aux touffes
vertigineuses. Ici on voit un t-shirt SRK, une robe SOA ou un pantalon BUUL
DOF. Autant de choses qui nous font oublier les prix (avouons-le), extrêmement coûteux des pièces.
En attendant j'esquisse un sourire, je ressens de la fierté mais surtout de l'espoir. Espoir de vivre encore ces moments et de rencontrer tout ce beau monde à nouveau. Ce monde qui, après l'invasion, s'habillera en SRK!
En attendant j'esquisse un sourire, je ressens de la fierté mais surtout de l'espoir. Espoir de vivre encore ces moments et de rencontrer tout ce beau monde à nouveau. Ce monde qui, après l'invasion, s'habillera en SRK!
Crédits images:
Jean Baptiste JOIRE
Omar Victor DIOP
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