jeudi 29 mai 2014

OUTDOOR #2




Réveil matinal, un peu de lourdeur dans les jambes. Après quelques essaies, d’expirations répulsives et pathétiques, la vingtième pompe est enfin atteinte. Moment de solitude et de détachement. L’esprit dicte, les sens subissent et poussent les pores à libérer l’immense gratitude  de l’effort. Comme chaque matin l’engagement noie la douleur qui bâtit une perfection inexistante.




Ainsi chaque matin, est choisie la chemise proportionnée, le pantalon aux quatre poches, les chaussettes, les bottes. Ces dernières sont délicatement dépoussiérées. Comme toujours avec la même attention, comme toujours en fredonnant. 


Une seconde dans la peau de Jacques, mais seulement le dos fait face à la porte et il n’y a ni Rose, ni vent, ni bateau. Un chemin ensablé, des pas appuyés un peu comme pour sauter des obstacles, des obstacles qui se poseront jusqu’à l’arrêt de la « ligne 1 ».




Dans le bus, une vieille dame vendeuse de beignets protège religieusement son panier. Ignorant réprimandes et regards inquisiteurs, elle est en face de moi. Ce moi avait aujourd’hui cette compassion du commun des passagers. Celle qui voulait que l’on sorte ses pièces avant de s’enorgueillir de sa vertu du jour. Supporter la difficulté de cette femme à surmonter les marches du bus, son visage balafré, ses mains veineuses et tremblantes me suffirent à sacrifier l’une des dernières pièces de ma poche. Suivait alors un regard surpris, un sourire volé et des prières témoignant d’une gratitude spontanée.


Je descends un peu plus tôt car brûle en moi l’immense envie de subir à la tentation. Ce matin je ne franchirai pas le portail de l’école. La place du souvenir ne me laisse pas le choix. Je descends les marches petit à petit, indifférent devant les affiches du Dak’art. S’en suit une heure de fausse méditation. Tantôt coupable, tantôt victime. L’interminable guerre entre l’esprit, l’être et la raison.




Soudain derrière d’ennuyantes lamentations, ces cris expressément ignorés bénéficient de mon attention. Une école venue visiter une exposition. On est bien loin de l’ambiance morose des jours ordinaires. Cette insouciance juvénile provoque les réprimandes de cet adulte qui n’a pas su être un éternel enfant. Faudrait qu’il lise le petit prince.


Je succombe encore à la tentation. Celle qui m’invite à rejoindre les enfants. Sans surprise je me retrouve dans la salle, délicatement éclairé. L’écho des cris me laisse perplexe. Je fais semblant de m’y connaître les toiles se ressemblent et se succèdent. Je ne parviens pas à lire entre les lignes. Il est visible que seul l'esthétique est prise en compte. Je comprendrai plus tard que c’est une exposition de l’ICCM. Une école de mode. Pendant ce temps les enfants se sont volatilisés.






En remontant les marches de la porte du souvenir, une autre affiche m’invite à nouveau. Le projet a l’air beaucoup plus ambitieux, un collectif de 14 artistes africains. « Abstractions légitimes »







Je retrouve des tableaux aboutis, ma prétention me pousse à avoir un œil critique. Mais seulement je ne vois toujours rien. Seulement le recours à la facilité pour certains artistes. Heureusement pas tous. Bon sang qu’est ce qu’il faisait chaud dans cette salle ! Du vide, de la chaleur. Je constate avec amertume ce que l’art me réservait.

Les marches en fredonnant. J’aurai du aller aux cours. 







dimanche 25 mai 2014

IMMERSION DANS L'ALIEN CARTOON DE SELLY RABY KANE



Ce samedi 24 Mai a été l’occasion pour la styliste Selly Raby KANE de nous présenter sa nouvelle collection dans les locaux de la gare ferroviaire de Dakar qui fêtait ses 100 ans. L’idée était de découvrir la transformation du vêtement dans une cité africaine envahie d’aliens, d’êtres étranges et fantastiques issus du futur. L’initiatrice est cette liane juvénile qui dans le royaume du conformisme façonne le bazin, commande des lunettes plus grandes et supporte les fanfreluches flirtant aux frontières du ridicule pour les plus réticents. Mais ceci n’est qu’une première impression. Pour hier soir, il suffisait de prendre place, d’ignorer les commentaires (toujours de ces mêmes réticents) et d’apprécier l’invasion. Car oui il s’agissait bien d’invasion.



Une performance artistique :



Dans l’univers d’Alien Cartoon, tout supposé cliché de la mode est aboli. Ici le désordre est minutieusement formalisé. Un public cosmopolite découvre à l’entrée cet univers fantasmagorique. Lumières fluorescentes, androgyne, langouste rampant (ou ce qui en reste), araignée. Tout est apprivoisé. Trait d’union essentiel de cette vie répétitive et l’univers des Aliens, la gare supporte avec une infinie grâce le regard inquisiteur des passants. Pendant que certains derrière mimiques et allures forcées jouent aux habitués, des « débutants » comme moi s’attardent sur chaque pièce, essaient de comprendre la schizophrénie de chaque créature ; et par la même occasion la personnalité de l’artiste. A ce moment précis, on est beaucoup plus proche de la biennale que du podium. Le spectacle ne fait que commencer. A l’étage qui abrite une pieuvre, la toile d’araignée géante surplombe le miroir. Juste pour nous rappeler de prendre une photo de soi pauvre en pixel dans cette pièce mal éclairée. Encore quelques tours avant de terminer par découvrir ce que cachent aux méandres de la salle, ces murs délabrés.





Le spectacle qui continue :

Derrière les murs, on se heurte à l’allure rustique de la gare qui donne de la crédibilité au concept. Les places vides à un moment, auront tendance à nous faire croire que « Madame Nature » s'est très mal débrouillée dans la répartition du bon goût. Mais les arrivées tardives et la « ponctualité sénégalaise » nous rappellerons qu’il y’a bel et bien des adeptes d’aliens et… de cartoons. Au dessus de l’habitacle des models, se déhanchent des hommes et femmes en fourrure sortis tout droit d’un asile. Hormis les habituels jeux de lumière, on retrouve sur le plan visuel une ambiance sombre, lourde, déstructurée mais tout de même conceptuelle.



Vient alors cette fameuse transition que l'on pourrait décrire comme un rappel de la présence des aliens en Afrique. Un beat de dupstep saupoudré de la cadence des rythmes du tambour. L'intensité de la bande sonore explose littéralement et donne lieu à une prestation instrumentale des plus hypnotisantes et chaotiques, complètement distordue. Un peu comme une crise d'hystérie fantomatique que subirait un micro dysfonctionnel.
Selly profite de cet instant pour nous rappeler qu’après l’invasion, le bazin sera troué, détouré, collé ou mélangé à du plastique. Le cuir sera boursouflé et les vêtements seront légèrement de plus grande taille. Le wax n’est plus vulgairement coupé pour rappeler une africanité inexistante. Ici il est traité comme un simple coupon ; mais façonné avec de la cire de coton imprimé, un col et une poche plaquée en jean. Les doublures d'impression des pièces ont l’air douces et confortables. Après l’invasion, le conventionnel aura l’air d’être de la provocation. Car par accident, sont apparus quelques modèles qui ont brillé par leur simplicité. Un petit temps de répit avant que l’assaut ne reprenne avec des robes fluorescentes, des spirales en soie, des « lunettes » assorties aux chaussures pour les femmes et de ces combinaisons tout droit sorties de la NAZA pour les hommes.





Pourrais-je porter du SRK ?

Sans se leurrer, les pièces sont fortes et ne sont pas à la portée de tous. Mais il suffit d’avoir les yeux écarquillés, de voire derrière cette allure longiligne et gracieuse une femme talentueuse. Capable de sortir des préjugés en parvenant à rendre crédible un cardigan en wax, ou du bazin sous de la toile. Il suffit d’avoir l’œil pour s’imaginer dans une pièce bien précise accompagnée de basiques neutres. Là vous verrez que rentrer dans du SERAKA ne demande qu’une forte personnalité.





Pour conclure…

Le défilé fut un moment absolument captivant, qui a suivi la cohérence psychédélique que l'on pourrait tracer du parvis de la gare jusqu’au podium. Les onomatopées de la bande sonore furent troublantes et apparurent telles des incantations venant ponctuer et structurer l'intensité du résultat artistique. Mais ma plus grande satisfaction vient du public. Etant à l’écart pour la plus grande partie de la soirée, je me suis permis d’observer ces invités très dynamiques. Le plus plaisant reste l’inexistence des préjugés que j’avais de l’univers de la mode. Ici pas de prétention, ni de chichis. Il y’a un public et un artiste ; du respect d’un côté et de la gratitude de l’autre. Les dreadlocks font face aux touffes vertigineuses. Ici on voit un t-shirt SRK, une robe SOA ou un pantalon BUUL DOF. Autant de choses qui nous font oublier les prix (avouons-le), extrêmement coûteux des pièces. 
En attendant j'esquisse un sourire, je ressens de la fierté mais surtout de l'espoir. Espoir de vivre encore ces moments et de rencontrer tout ce beau monde à nouveau. Ce monde qui, après l'invasion, s'habillera en SRK! 




Crédits images:
Jean Baptiste JOIRE
Omar Victor DIOP

jeudi 8 mai 2014

OUTDOOR #1


Man, rappelle toi que t’es le symbole de la virilité. Empruntons un faux air de macho pour abolir cet affreux leggings soit disant pour homme et surtout cette paire de « méduses » à moins de vouloir participer à un ersatz du met bal. En attendant il est samedi : moment où tous les dépressifs sortent de leurs tanières, les ados aux visages boutonneux avec ce répulsif SWAGG, ces vieux ridiculement armés de leurs paires d’air max, ces restos bondés, ce beau monde… bref Dakar. Ce samedi on sera de la partie et on est prêt à la sauver.


Une bonne gueule

Strawberry Bubblegum en fond sonore, on y va doucement pour un début.
Des fringues bien coupées, des couleurs neutres, des chaussettes (surtout des chaussettes), une bonne paire de sneakers ou de desert boots. Le tour est joué !
On préfère le cardigan à la place de la veste car t’es cool. You know it. I know it. We both know it!
Dire au revoir au désordre de votre chambre et aller sauver des vies.


De bonnes "vibes"

De la bonne musique tu mettras. Quoi dire de Will ?
Doucement tu rouleras.
Avec des cons, tu traîneras.
Au verre de l’inconnu, tu ne toucheras point.
On oublie Madame Pavoshko.


Le coin

Musique house, rythmes électro, ambiance intime ou décalée. Certes le choix est réduit mais les possibilités ne manquent pas jusqu’au bout de la nuit. Man ! Toi ce noctambule, insomniaque qu’attends-tu pour descendre de cette voiture, de franchir cette porte, de commander un plat raisonnable à partager autour de la team. Celle des déjantés et frapadingues qui te pousseront à faire un selfie la bouche pleine.





On finit par les jeux de lumières fluorescente. Oublies que la vie est merdique ! Fredonnes cet air. Marches langoureusement vers le milieu de la piste. Subitement ce corps ne t’appartient plus. Tu cries, tu danses, tu t’éclates. Ta chemise est déboutonnée, ton torse humide, mais putain comme tu te sens bien. 


Et si le DJ enfonçait le clou par ceci ou ça. Après quelques heures, tu sors de cet endroit mythique en fredonnant ce mélancolique mais non moins cool air de :




Et t’es dehors. L’air de Dakar. La sensation de fraîcheur sur ta tête. Tes pieds pèsent des tonnes quand tu te demandes comment rentrer . Jusqu’au moment où Sam Smith te rappelle que t’es dans la voiture, que ton pote est en train de conduire.



Ton esprit divague, le réveil sera difficile. But you can fix it!