samedi 20 décembre 2014

Page 107


Il y’a de ces motivations qui trouvent leurs raisons inexpliquées. Comme se réveiller un matin, trouver son lit répulsif, prendre une douche froide et se regarder sur le miroir. Simuler une ambiguïté soit pour se morfondre dans la mélancolie ou simplement se sentir fort. Invincible serait plus juste. Et ce matin, je me sens invincible.

Je mets un costume de taille plus petite, histoire de respecter les codes de l’élégance. La cassure des épaulettes pile sur les articulations, les revers assez larges pour combler l’absence de muscle, et un pantalon de courte taille qui décidément en voudra à mes désert-boots. Ce matin encore la route sablonneuse de Yoff et les impétuosités de chaque recoin. De manière assez subtile, se manifeste une cassure de la routine, quelque chose de neuf qui après chaque pas provoque en moi une joie inexplicable. Peut être que cette cravate bien choisie cohabitant avec mon mouchoir de poche du même ton a su provoquer une certaine légitimité. Me poussant à sourire, à marcher bien droit mais surtout à sourire. C’est sous ces airs de manager que je surprends quelques regards admiratifs, puis mon excès de zèle pour détourner l’attention sur la gêne occasionnée.

Me voici sans surprise dans la « Ligne 1 ». Ce matin afin de m’éloigner de la mouvance de la masse, je décide de me faire une playlist assez particulière. D’abord Jessie Ware pour me dire je t’aime, « Ebale ya Zaïre » du Poète et enfin un peu comme pour dire à Simaro que le bon goût a des adeptes un peu partout, Ablaye Thiossane me berce avec « Thiéré lamboul ». Par chance je ne tomberai pas sur la revue de presse. Les adeptes de propagandes ne sont généralement pas d’humeur matinale.

Quelques minutes suffiront pour m’apercevoir que le rythme lent de ma playlist prend le dessus sur mon euphorie du matin. A l’horizon se dessine sans surprise l’habituelle mélancolie. Comme le suggère Felwine, j’accepte la souffrance comme une réalité instructive et consubstantielle à la vie. Tel un coucher de soleil. J’arrive à me trouver une place priant que ma nouvelle résolution ne soit pas élusive. Je tiendrai un moment avant d’être hélé par dame vicissitude. Au fil du trajet, j’apprécie la nature et les immeubles, je rebute l’insolence des chauffeurs et les fanfreluches de certaines femmes. Au loin, un panneau publicitaire, peut être par envie j’essaie de trouver la petite bête sur la tenue du figurant. Rien à signaler tout est bien coupé. Ma main qui glisse dans le sac, naturellement sort « DAHIJ », mon meilleur ami. A ce moment précis, la résolution est simple : allez à la page 107 et lire ce qui suit :

« Eviter la vanité. Tuer la part de comédie en soi. Se voir tel que l’on est, sans complaisance, sans affectation, sans autoflagellation. A partir de là, employer chaque instant à s’élever.
Etre de bonne compagnie, faire partie de ceux qui diffusent autour d’eux, dans l’atmosphère, joie et paix.
Ceux dont la présence gratifie le Temps.
Savoir accepter le malentendu sur soi.
Ne jamais rien quémander. Ni amour, ni tendresse, ni compréhension. Etre libre de l’approbation d’autrui. Ne jamais céder à aucune pression, si douce soit elle. Etre libre de la désapprobation d’autrui.
Ne pas se presser. Se la couler dans le Temps, se fondre en lui. Aller au fond des choses. Œuvrer et grandir avec le Temps. Ni flagornerie, ni flatterie, ni faux-semblants, ni concession. Ne pas rendre compte. Ne pas se confier. Protéger cette flamme qui grandit dans l’ombre. La ravir aux regards indiscrets. Se cacher. La pierre s’abrite dans la mine pour devenir diamant. Remporter chaque jour une victoire, si petite soit-elle. Tuer Narcisse. Tuer Polichinelle. Tuer Ubu.

Dieu est une idée qui élève. »

@diinedk

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