dimanche 25 mai 2014

IMMERSION DANS L'ALIEN CARTOON DE SELLY RABY KANE



Ce samedi 24 Mai a été l’occasion pour la styliste Selly Raby KANE de nous présenter sa nouvelle collection dans les locaux de la gare ferroviaire de Dakar qui fêtait ses 100 ans. L’idée était de découvrir la transformation du vêtement dans une cité africaine envahie d’aliens, d’êtres étranges et fantastiques issus du futur. L’initiatrice est cette liane juvénile qui dans le royaume du conformisme façonne le bazin, commande des lunettes plus grandes et supporte les fanfreluches flirtant aux frontières du ridicule pour les plus réticents. Mais ceci n’est qu’une première impression. Pour hier soir, il suffisait de prendre place, d’ignorer les commentaires (toujours de ces mêmes réticents) et d’apprécier l’invasion. Car oui il s’agissait bien d’invasion.



Une performance artistique :



Dans l’univers d’Alien Cartoon, tout supposé cliché de la mode est aboli. Ici le désordre est minutieusement formalisé. Un public cosmopolite découvre à l’entrée cet univers fantasmagorique. Lumières fluorescentes, androgyne, langouste rampant (ou ce qui en reste), araignée. Tout est apprivoisé. Trait d’union essentiel de cette vie répétitive et l’univers des Aliens, la gare supporte avec une infinie grâce le regard inquisiteur des passants. Pendant que certains derrière mimiques et allures forcées jouent aux habitués, des « débutants » comme moi s’attardent sur chaque pièce, essaient de comprendre la schizophrénie de chaque créature ; et par la même occasion la personnalité de l’artiste. A ce moment précis, on est beaucoup plus proche de la biennale que du podium. Le spectacle ne fait que commencer. A l’étage qui abrite une pieuvre, la toile d’araignée géante surplombe le miroir. Juste pour nous rappeler de prendre une photo de soi pauvre en pixel dans cette pièce mal éclairée. Encore quelques tours avant de terminer par découvrir ce que cachent aux méandres de la salle, ces murs délabrés.





Le spectacle qui continue :

Derrière les murs, on se heurte à l’allure rustique de la gare qui donne de la crédibilité au concept. Les places vides à un moment, auront tendance à nous faire croire que « Madame Nature » s'est très mal débrouillée dans la répartition du bon goût. Mais les arrivées tardives et la « ponctualité sénégalaise » nous rappellerons qu’il y’a bel et bien des adeptes d’aliens et… de cartoons. Au dessus de l’habitacle des models, se déhanchent des hommes et femmes en fourrure sortis tout droit d’un asile. Hormis les habituels jeux de lumière, on retrouve sur le plan visuel une ambiance sombre, lourde, déstructurée mais tout de même conceptuelle.



Vient alors cette fameuse transition que l'on pourrait décrire comme un rappel de la présence des aliens en Afrique. Un beat de dupstep saupoudré de la cadence des rythmes du tambour. L'intensité de la bande sonore explose littéralement et donne lieu à une prestation instrumentale des plus hypnotisantes et chaotiques, complètement distordue. Un peu comme une crise d'hystérie fantomatique que subirait un micro dysfonctionnel.
Selly profite de cet instant pour nous rappeler qu’après l’invasion, le bazin sera troué, détouré, collé ou mélangé à du plastique. Le cuir sera boursouflé et les vêtements seront légèrement de plus grande taille. Le wax n’est plus vulgairement coupé pour rappeler une africanité inexistante. Ici il est traité comme un simple coupon ; mais façonné avec de la cire de coton imprimé, un col et une poche plaquée en jean. Les doublures d'impression des pièces ont l’air douces et confortables. Après l’invasion, le conventionnel aura l’air d’être de la provocation. Car par accident, sont apparus quelques modèles qui ont brillé par leur simplicité. Un petit temps de répit avant que l’assaut ne reprenne avec des robes fluorescentes, des spirales en soie, des « lunettes » assorties aux chaussures pour les femmes et de ces combinaisons tout droit sorties de la NAZA pour les hommes.





Pourrais-je porter du SRK ?

Sans se leurrer, les pièces sont fortes et ne sont pas à la portée de tous. Mais il suffit d’avoir les yeux écarquillés, de voire derrière cette allure longiligne et gracieuse une femme talentueuse. Capable de sortir des préjugés en parvenant à rendre crédible un cardigan en wax, ou du bazin sous de la toile. Il suffit d’avoir l’œil pour s’imaginer dans une pièce bien précise accompagnée de basiques neutres. Là vous verrez que rentrer dans du SERAKA ne demande qu’une forte personnalité.





Pour conclure…

Le défilé fut un moment absolument captivant, qui a suivi la cohérence psychédélique que l'on pourrait tracer du parvis de la gare jusqu’au podium. Les onomatopées de la bande sonore furent troublantes et apparurent telles des incantations venant ponctuer et structurer l'intensité du résultat artistique. Mais ma plus grande satisfaction vient du public. Etant à l’écart pour la plus grande partie de la soirée, je me suis permis d’observer ces invités très dynamiques. Le plus plaisant reste l’inexistence des préjugés que j’avais de l’univers de la mode. Ici pas de prétention, ni de chichis. Il y’a un public et un artiste ; du respect d’un côté et de la gratitude de l’autre. Les dreadlocks font face aux touffes vertigineuses. Ici on voit un t-shirt SRK, une robe SOA ou un pantalon BUUL DOF. Autant de choses qui nous font oublier les prix (avouons-le), extrêmement coûteux des pièces. 
En attendant j'esquisse un sourire, je ressens de la fierté mais surtout de l'espoir. Espoir de vivre encore ces moments et de rencontrer tout ce beau monde à nouveau. Ce monde qui, après l'invasion, s'habillera en SRK! 




Crédits images:
Jean Baptiste JOIRE
Omar Victor DIOP

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